La communauté qui s’appuie sur les données en matière de développement est principalement composée d’optimistes. Nous sommes animés par la conviction qu’une augmentation du nombre de données ainsi que de leur qualité se traduira nécessairement en améliorations dans la vie des gens. Si cette conviction est étayée par des preuves solides, ils existent également de nombreux contre-arguments. Au cours des sept années qui se sont écoulées depuis l'adoption des Objectifs de Développement Durable (ODD), nous avons pu observer les possibilités offertes par la révolution des données se développer rapidement. En parallèle, de nouveaux risques complexes liés à l’utilisation des données se sont cependant également fait jour.
Trouver un équilibre entre ces risques et opportunités représente un défi politique. En la matière aucune partie prenante ne peut se prévaloir de détenir la bonne approche. Trouver un terrain d'entente permettra aussi d'accroître l’efficacité de la mobilisation collective qui vise à partager les possibilités offertes par les données avec tous les individus, en plaçant les personnes au centre de la réflexion tout en se prémunissant contre les inconvénients potentiels.
De nombreux acteurs travaillent sur ces défis de différentes manières et souvent non coordonnées. Les pouvoirs publics adoptent de nouvelles approches de gouvernance des données à tous les niveaux - du local à l'international. La province canadienne de l'Ontario a par exemple créé une plateforme de données de santé pour permettre aux chercheurs travaillant sur la COVID-19 d'accéder aux données des patients. La Commission statistique des Nations Unies étudie le concept de la gestion des données (data stewardship) avec les bureaux statistiques nationaux du monde entier pour les aider à définir leur rôle à mesure que les besoins en matière de gouvernance des données évoluent.
Les universitaires réclament plus de « data justice », analysent la confiance et l'équité dans ce domaine et examinent la différence entre la protection des droits individuels et collectifs en la matière. Les communautés adoptent des principes pour l'utilisation de leurs données. Des praticiens, comme l'Open Institute du Kenya, font participer les communautés à la définition de la chaîne de valeur relative aux données. Dès 2015, ils ont lancé un programme pilote à Lanet Umoja qui a impliqué la communauté dans la collecte, l'interprétation et l'utilisation des données, ce qui a conduit à des actions décidées collectivement et à un plaidoyer auprès des autorités locales pour obtenir un établissement de santé dont la communauté a grand besoin.
Malgré toutes ces différences de contextes, d'approches, de secteurs et de ressources, il existe déjà un certain consensus sur la nature des problèmes et il est urgent d'élaborer un discours unificateur sur ce qui peut être fait pour atténuer ceux-ci, afin de gérer l'informatisation rapide de la société d’une façon equilibrée.
Le projet Data Values vise à combler ce vide en matière de mobilisation collective, en élaborant un programme commun et en tirant parti de la puissance du vaste réseau du Global Partnership for Sustainable Data (GPSDD) afin de promouvoir le changement. Nous y parviendrons en rassemblant le travail et l'expérience de nos divers partenaires et en identifiant les points de consensus sur ce qui doit changer pour que les données contribuent à un monde plus durable et plus équitable.
Comment allons-nous élaborer notre programme commun?
Le projet Data Values est dirigé par le groupe consultatif technique (Technical Advisory Group) du GPSDD, qui réunit des experts issus de divers secteurs et zones géographiques. Ce groupe a défini trois pistes d'action thématiques pour une consultation et un dialogue à grande échelle. Dans le cadre de chaque piste, nous remettons en question les hypothèses de base qui sous-tendent notre optimisme en matière de données, nous rassemblons des points de vue divers et sous-représentés, et nous identifions les changements de politique que nous souhaitons préconiser collectivement.
L'équité n'est pas une évidence
Les données sont des personnes. Ce sont nos vies traduites en chiffres et en informations. Mais, dans un domaine aussi technique, il est rare de considérer les personnes en premier lieu et d'évaluer comment les données peuvent reproduire les inégalités. Pourtant, de nombreux partenaires du réseau du GPSDD s'efforcent de rendre les données plus inclusives, et de créer des cercles vertueux avec les communautés afin que la collecte de données ne soit pas extractive, d'impliquer les gens dans la formulation des questions avant même la collecte des données. Dans notre piste de réflexion sur l'inclusion, nous allons explorer comment les données peuvent être une voie vers l'inclusion et l'équité, en mettant les gens et leur agence au centre des données pour le développement.
L'utilisation des données n'est pas garantie
L'Agenda 2030 établit une vision pour un avenir durable et équitable. Il est essentiel de disposer des bonnes données au bon moment pour atteindre les objectifs, mais cela ne nous permettra pas d'y parvenir automatiquement - disposer des données ne garantit pas qu'elles seront utilisées. Notre piste sur l'utilisation des données pour le développement durable et équitable explorera les incitations et les structures de la demande qui créent une utilisation durable des données pour le bien public. Elle s'appuiera sur des preuves et des exemples de ce qui fonctionne pour élaborer un programme de mobilisation qui favorise l'utilisation durable et ciblée des données.
La gouvernance des données est profondément contestée
Le Rapport sur le développement dans le monde 2021 décrit le cadre de gouvernance des données d'un pays comme l'expression tangible de son contrat social autour des données. Mais que doit contenir ce cadre et qui doit décider ? Notre approche relative à une gouvernance optimale des données part du principe que les différentes parties prenantes ont des perspectives et des attentes différentes quant à ce qu'est la gouvernance des données, aux problèmes que cette gouvernance est supposée résoudre et quant à l’identification de ces bénéficiaires. En nous appuyant sur le Rapport sur le développement dans le monde et sur les contributions d'autres partenaires, nous écouterons les différents points de vue et les rassemblerons pour identifier les éléments constitutifs d'une bonne gouvernance des données.
Regarder vers l’avenir
Au cours des cinq prochains mois, nous allons faciliter un dialogue ouvert sur ces trois pistes de réflexion, par le biais de discussions en panels et en tables rondes, d'interviews d'experts, de blogs et d'autres contributions écrites. Ce site internet sera une plateforme de dialogue et de débat, qui amplifiera les voix, les perspectives et les ressources de GPSDD et d’autres acteurs. Chaque piste distillera ses messages clés dans un livre blanc qui sera publié et discuté au début de l'année prochaine. Sur la base de ces livres blancs, le Data Values Project lancera un manifeste d'action à l'automne 2022, qui exposera ce que nous défendons et comment le réseau de GPSDD s'unira pour susciter le changement.
Dans le cadre de notre consultation ouverte, nous souhaitons recevoir vos idées, vos défis et toute ressource que vous jugez utile. Prenez contact et manifestez votre intérêt en nous écrivant à l'adresse suivante : datavalues@data4sdgs.org , et participez à la conversation #DataValues sur les réseaux sociaux.
- Jenna Slotin est directrice principale des politiques du Partenariat mondial pour les données sur le développement durable.